J.O. Numéro 270 du 21 Novembre 2001
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Avis de la Commission de régulation de l'électricité du 5 juin 2001 sur l'arrêté fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations qui valorisent des déchets ménagers ou assimilés, à l'exception des installations utilisant le biogaz
NOR : ECOI0100488V
La Commission de régulation de l'électricité (CRE) a été saisie, le 18 mai 2001, par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et par le secrétaire d'Etat à l'industrie, d'un projet d'arrêté fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations qui valorisent des déchets ménagers ou assimilés, à l'exception des installations utilisant le biogaz, pris en application du décret no 2001-410 du 10 mai 2001 relatif aux conditions d'achat de l'électricité produite par des producteurs bénéficiant de l'obligation d'achat.
Sur le rapport du directeur des relations avec les producteurs, la CRE a rendu l'avis suivant :
Considérations communes à toutes les filièresbénéficiant de l'obligation d'achat
I. - La loi du 10 février 2000 a prévu deux mécanismes permettant de mettre en oeuvre une politique de soutien au développement de certaines filières énergétiques : le système d'appels d'offres et les obligations d'achat.
Le mécanisme de fixation du tarif d'achat ne permet pas de prévoir ou de contrôler les capacités de production qui vont être finalement réalisées, ni, par suite, le coût pour la collectivité et les conséquences sur le marché : si le prix fixé est trop bas, la filière concernée ne se développera pas ; s'il est trop élevé, elle se développera au-delà des objectifs poursuivis, générant pour certains producteurs des rentes anormalement élevées et un coût important pour la collectivité (ce coût se traduisant par une augmentation des prix de l'électricité pour l'ensemble des consommateurs français). Ce mécanisme ne permet pas non plus de suivre au plus près les évolutions attendues, à la baisse, des coûts de production des filières subventionnées, risquant ainsi d'augmenter encore les marges des projets concernés.
A politique énergétique donnée, le choix d'un système fondé sur des appels d'offres tel que prévu à l'article 8 de la loi présente les avantages suivants :
- la puissance publique conserve la maîtrise du volume des capacités de production réalisées et la possibilité d'orienter l'implantation géographique des projets, ce qui permet à la fois de mener une politique d'aménagement du territoire et de mieux gérer le seuil d'acceptabilité des unités de production par les populations ;
- la puissance publique peut conserver le contrôle d'autres critères de qualité des projets, comme l'efficacité énergétique ou la proximité des réseaux ;
- les prix ressortant d'un appel d'offres prennent mieux en compte les diverses subventions dont a pu bénéficier un projet, évitant leur cumul et, donc, des rentes indues.
La substitution de mécanismes de marché (comme les appels d'offres ou les marchés de certificats verts) à un mécanisme de prix administrés est une garantie pour la collectivité d'atteindre les objectifs recherchés au moindre coût.
En outre, le mécanisme des appels d'offres est le seul prévu par la loi du 10 février 2000 pour les installations d'une puissance supérieure à 12 MW et utilisant les énergies renouvelables ou la cogénération (hors réseaux de chaleur). L'absence actuelle d'appels d'offres prive, d'ailleurs, les pouvoirs publics d'informations qui seraient précieuses pour apprécier le prix des obligations d'achat et leur nécessaire évolution dans le temps.
Une publication rapide de la programmation pluriannuelle des investissements, prévue par l'article 6 de la loi du 10 février 2000, procurerait une meilleure visibilité sur le moyen et le long terme à l'ensemble des acteurs concernés et offrirait la possibilité d'organiser les appels d'offres prévus par l'article 8 de la loi.
Au surplus, la procédure de l'appel d'offres permet plus facilement d'atteindre avec précision les objectifs quantitatifs (en termes de pourcentage de production à base de sources d'énergies renouvelables) que pourrait fixer l'Union européenne.
A défaut d'appel d'offres, le présent avis se fonde sur les références existantes, en France et à l'étranger, pour apprécier le niveau et la structure des tarifs d'achat proposés.
II. - Les projets d'arrêtés fixant les conditions de l'obligation d'achat sont pris en application du décret no 2001-410 du 10 mai 2001 relatif aux conditions d'achat de l'électricité produite par les producteurs bénéficiant de l'obligation d'achat. L'article 8 du décret prévoit, en effet, que, pour chacune des filières concernées, le tarif d'achat est égal aux coûts de production (investissement et exploitation) évités sur le long terme au système électrique, auxquels peut s'ajouter une rémunération supplémentaire correspondant à la contribution des installations à la réalisation des objectifs définis au deuxième alinéa de l'article 1er de la loi du 10 février 2000, qui sont :
- l'indépendance et la sécurité d'approvisionnement ;
- la qualité de l'air et la lutte contre l'effet de serre ;
- la gestion optimale et le développement des ressources nationales ;
- la maîtrise de la demande d'énergie ;
- la compétitivité de l'activité économique ;
- la maîtrise des choix technologiques d'avenir ;
- l'utilisation rationnelle de l'énergie.
La CRE note que l'article 10 de la loi se borne à indiquer que les conditions d'achat prennent en compte les coûts d'investissements et d'exploitation évités par les acheteurs, sans mentionner la notion de long terme ni d'autre contribution. Comme il n'existe pas d'approche rationnelle permettant d'évaluer la plupart des contributions à ces objectifs, le décret laisse ainsi au tarificateur une marge d'appréciation très importante, ce qui rend difficile l'analyse du tarif proposé.
III. - Pour évaluer les coûts et les émissions évités, il faut déterminer à quelle technologie se substituent les moyens de production bénéficiant de l'obligation d'achat. La simulation économique opérée ci-après dans le domaine des charges de service public ne préjuge pas de l'évaluation que la CRE devra réaliser sur la base de comptabilités appropriées tenues par les opérateurs concernés.
Pour la France continentale, les deux références raisonnablement envisageables aujourd'hui pour évaluer les coûts et externalités évités sont une centrale nucléaire et une centrale à cycle combiné au gaz, sans que l'on puisse dire aujourd'hui quelle solution sera privilégiée par les investisseurs à long terme. En tout état de cause, on peut noter que :
a) Se référer au nucléaire permet de tenir compte de la structure réelle du parc de production national dans les quinze prochaines années, composé majoritairement de nucléaire (75 %) et d'hydraulique (15 %), et d'une hypothèse de renouvellement par du nucléaire au-delà.
Les coûts de production retenus dans ce qui suit sont fondés, pour le nucléaire, sur le document « Coûts de référence DIGEC », publié en 1997 par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ;
b) Se référer au cycle combiné au gaz revient à se fonder sur une hypothèse de renouvellement à long terme (quinze - vingt-cinq ans) du parc de production français qui se réaliserait, au moins en partie, avec la technologie du cycle combiné au gaz. La centrale à cycle combiné au gaz retenue comme référence à une puissance installée de 650 MW, un rendement de 58 % et une disponibilité de 93 % pour un fonctionnement en base, soit la meilleure technologie disponible aujourd'hui.
Le niveau retenu pour les coûts variables s'appuie sur le prix du gaz observé sur les plus longues échéances des marchés à terme du gaz (2004), correspondant à un prix du baril de pétrole de 22 $ ;
c) La situation est différente en Corse et dans les DOM, où la production fait largement appel aux combustibles fossiles charbon et fuel. Les tarifs d'achat dans ces zones sont donc comparés à des centrales de petite taille fonctionnant au charbon et au fuel.
Les coûts de production retenus pour ces centrales reposent sur les informations communiquées par EDF.
IV. - L'obligation d'achat ne contribue pas de la même manière à chacun des objectifs visés à l'article 8 du décret du 10 mai 2001 qui renvoie à l'article 1er de la loi du 10 février 2000 :
1. La contribution à la lutte contre l'effet de serre est un sujet aujourd'hui relativement bien connu. Le commissariat général du Plan a, ainsi, recommandé aux décideurs français de s'appuyer sur une valeur de 75 Euro par tonne de carbone émise. Il est probable que des mécanismes de valorisation des émissions de carbone se développeront en Europe dans les prochaines années. Une éventuelle contribution des tarifs d'achat à la lutte contre l'effet de serre peut donc être considérée comme un investissement ayant vocation à être rentabilisé dans le futur.
2. La contribution à la qualité de l'air est liée à la réduction des émissions polluantes. Ces émissions ont fait l'objet d'études, au demeurant très imprécises en l'absence de mécanismes de marché, visant à quantifier les dommages qu'elles causent. Une des études les plus complètes et les plus récentes est l'étude européenne ExternE (1998) qui donne toutefois des fourchettes très larges. La valeur basse des fourchettes correspond à des installations de technologie récente établies loin des centres urbains, ce qui minimise les effets sur la santé des populations. La valeur haute correspond à des installations anciennes, sans traitement spécifique des émissions, et situées dans des zones à forte densité de population. L'évaluation se situant dans une perspective de long terme, la valeur basse peut être retenue, dans la mesure où les technologies de maîtrise des émissions polluantes progressent rapidement et où la construction de centrales est de plus en plus rare en zone urbanisée.
On trouvera, ci-dessous, un tableau donnant, pour les technologies auxquelles les nouvelles filières sont censées se substituer, les valeurs de coût de production, décomposé en coût fixe et coût variable (défini comme la part du coût directement proportionnelle au volume de production), des émissions de carbone et des estimations des externalités liées à la qualité de l'air.
Vous pouvez consulter le tableau dans le JOn° 270 du 21/11/2001 page 18525 à 18528
Dans ses avis sur les différents tarifs d'achat, la CRE compare les tarifs proposés à la somme des coûts de production évités, de la valeur des émissions de CO2 évitées et des estimations des externalités liées à la qualité de l'air.
Il faut également préciser que les autres régimes d'aide publique, notamment régionaux, dont peuvent bénéficier les installations, ne sont pas pris en compte parce qu'ils sont extrêmement variables.
De manière générale, les filières bénéficiant de l'obligation d'achat peuvent être classées en deux catégories : celles à production garantie, par exemple la cogénération, et celles à production non garantie, par exemple l'éolien et le photovoltaïque.
Les filières à production non garantie ne permettent pas d'éviter la construction de centrales supplémentaires qui produisent de l'énergie garantie, indispensable pour les gestionnaires du système électrique. Il n'existe pas à ce jour d'études statistiques ou économiques suffisantes permettant de penser que ces filières peuvent être prises en compte dans le dimensionnement des marges de sécurité du système électrique. Dans leur cas, les coûts évités de production se limitent donc aux coûts variables, essentiellement les coûts de combustible.
La CRE note à ce stade que les centrales nucléaires n'émettent quasiment pas de gaz à effet de serre ni de polluants atmosphériques et ont, de plus, un coût variable de production très bas. De ce point de vue, l'obligation d'achat pour les filières à production non garantie ne peut apporter en France continentale qu'un bénéfice très limité dans les quinze prochaines années.
A cet égard, le Danemark, l'Allemagne et l'Espagne, les pays européens souvent cités en exemple pour leur engagement en faveur des énergies renouvelables, sont dans une situation bien différente. Ces trois pays produisent une part importante de leur électricité à partir de charbon et le développement des énergies renouvelables leur procure un bénéfice plus important en termes de lutte contre l'effet de serre et de réduction des émissions polluantes.
Il est à noter que si la méthode décrite ci-dessus pour calculer les coûts et les externalités évités par les énergies renouvelables était appliquée pour toutes les formes d'énergie, et même si on tenait compte des externalités autres que le réchauffement global et la pollution de l'air, les résultats chiffrés seraient défavorables au cycle combiné au gaz qui aurait, ainsi peu de chance de renouveler le parc actuel de production d'électricité français, même en supposant que soit retenue, le moment venu, l'hypothèse d'un prix du gaz en moyenne peu élevé sur la période 2010-2035.
Vous pouvez consulter le tableau dans le JOn° 270 du 21/11/2001 page 18525 à 18528
Néanmoins, cette considération sera mise de côté, dans le souci de favoriser au maximum la valorisation des énergies renouvelables en la comparant aux turbines à gaz, et parce qu'une éventuelle décision politique d'écarter le nucléaire à l'avenir peut l'emporter sur les considérations d'économie et de lutte contre les émissions polluantes dans l'atmosphère.
3. Le décret du 10 mai 2001 permet la prise en compte d'autres critères pour apprécier la valorisation, pour la collectivité, à attribuer aux énergies renouvelables. L'impact sur la maîtrise de la demande d'énergie est nul, comme l'est, le plus souvent, celui sur l'utilisation rationnelle de l'énergie. Les autres critères ne sont, malheureusement, pas quantifiables, mais leur impact global est probablement négligeable :
- aucun élément ne permet de penser que la contribution à l'objectif de compétitivité de l'activité économique est positive, puisque l'obligation d'achat est, et restera, une dépense à la charge des consommateurs d'électricité nationaux, dont rien ne prouve qu'elle soit inférieure aux éventuelles conséquences favorables à l'économie du développement des filières concernées ;
- la contribution aux objectifs d'indépendance, de sécurité d'approvisionnement, de gestion optimale et de développement des ressources nationales, de maîtrise des choix technologiques d'avenir, est globalement positive mais n'est guère quantifiable. Si elle est manifeste par rapport aux filières thermiques classiques, elle est moins évidente quand on prend en compte la filière nucléaire.
V. - En raison de ses caractéristiques, ce dispositif doit être conforme à la réglementation communautaire des aides d'Etat et notifié à la Commission européenne, en vue de son approbation préalable à toute entrée en vigueur. A défaut, les autorités communautaires pourraient être amenées à demander aux producteurs qui en auraient bénéficié le remboursement des aides versées.
VI. - Le présent avis est fondé sur deux types d'analyse :
- la comparaison avec les coûts et les externalités des filières nucléaire et cycle combiné au gaz, afin de vérifier qu'au moins à très long terme on peut espérer que l'obligation d'achat se traduise par un gain collectif ;
- la comparaison avec les coûts de production de la filière considérée, afin de vérifier, en outre, que le coût de l'obligation d'achat pour les acteurs du marché de l'électricité est le plus faible possible.
1. Descriptif du tarif d'achat proposé pour l'électricité produite par les installations qui valorisent des déchets ménagers ou assimilés, à l'exception des installations utilisant le biogaz
L'arrêté objet du présent avis concerne la production d'électricité par les usines d'incinération d'ordures ménagères (UIOM).
1.1. Le tarif proposé, dans le cadre d'un contrat de quinze ans, est constitué de deux éléments :
- une rémunération de base reconduisant exactement la forme et le niveau des conditions d'achat précédentes, avec une prime fixe proportionnelle à la disponibilité en hiver, et une rémunération saisonnalisée de l'énergie. L'ensemble correspond à une rémunération moyenne de 46 Euro/MWh pour un raccordement en HTA et 43 Euro/MWh pour un raccordement en HTB (pour une disponibilité en hiver de 100 % et 8 000 heures de fonctionnement annuel) ;
- une nouvelle « prime à l'efficacité énergétique », fonction du rendement énergétique, pouvant aller jusqu'à 3 Euro/MWh si ce rendement dépasse 60 %.
1.2. Une prime supplémentaire de 9 Euro/MWh en moyenne est prévue pour les DOM, mais pas pour la Corse.
1.3. Au terme des quinze années du premier contrat ou dans le cas d'installations existantes, la prime à l'efficacité énergétique est supprimée et, dans les mêmes conditions que ci-dessus, la rémunération de base en moyenne de 39 Euro/MWh en métropole et 48 Euro/MWh dans les DOM, sans distinction entre HTA et HTB.
2. Comparaison du tarif proposé avec les coûtset les externalités évités
Le tarif d'achat doit, d'abord, être comparé à la somme des coûts évités de production, de la valeur des émissions de CO2 et des externalités liées à la qualité de l'air évitées.
2.1. La production électrique d'une UIOM étant garantie, le coût évité de production est le coût complet, coût fixe plus coût variable.
Du point de vue des externalités environnementales, l'analyse est plus complexe. L'incinération des déchets émet de très grandes quantités de gaz à effet de serre : environ 200 kg de carbone par tonne de déchets traités de plus que si les déchets sont mis en décharge. Cependant, la réglementation limite strictement la mise en décharge et il est logique de considérer que ces émissions de CO2 sont en grande partie inévitables et indépendantes de la production d'électricité, qui n'a donc pas d'externalité environnementale négative.
Toutefois, cette hypothèse n'est valable que si l'énergie provenant de l'incinération des déchets est consacrée en priorité à des usages thermiques (si des besoins existent localement), pour lesquels elle se substitue directement à des combustibles fossiles. En effet, si les UIOM privilégient une valorisation électrique plutôt qu'une valorisation thermique, le bilan environnemental global est dégradé puisque cela aboutit à la fois à incinérer les ordures ménagères pour l'électricité et à brûler des combustibles fossiles pour satisfaire les besoins thermiques.
La prime à l'efficacité énergétique incluse dans le tarif proposé est justement une incitation à la valorisation thermique, quand celle-ci est possible. Pour bénéficier de la prime à taux plein (3 Euro/MWh), une installation doit avoir un rendement énergétique global de 60 %, ce qui correspond à une valorisation thermique d'au moins 50 %.
Une installation bénéficiant de la prime au taux maximum peut être considérée en règle générale comme optimisant le bilan environnemental. Pour une comparaison prenant en compte l'ensemble des externalités évitées, il convient donc de retenir le tarif avec prime maximale.
Les deux tableaux qui suivent comparent, pour la métropole, la Corse et les DOM, le tarif proposé avec les coûts et les externalités évités par la production d'électricité à partir d'UIOM.METROPOLE CONTINENTALE
Vous pouvez consulter le tableau dans le JOn° 270 du 21/11/2001 page 18525 à 18528CORSE ET DOM
Vous pouvez consulter le tableau dans le JOn° 270 du 21/11/2001 page 18525 à 18528
Le tarif proposé en métropole est couvert par la somme des coûts et des externalités évités si on le compare au cycle combiné au gaz.
Ce n'est pas le cas si on le compare au nucléaire. On obtient alors une valeur de 15,5 Euro/MWh pour les autres objectifs mentionnés à l'article 1er de la loi du 10 février 2000, qui paraît excessive, d'autant que le Gouvernement indique, dans sa lettre de saisine de la CRE, qu'il retient principalement l'objectif de « développement équilibré du territoire », qui ne figure pas parmi ceux prévus par le décret du 10 mai 2001.
2.2. En Corse et dans les DOM, le tarif moyen proposé est, en revanche, largement couvert par la somme des coûts et des externalités évités.
2.3. Comme vu au paragraphe 2.1 du présent avis, l'utilisation la plus rationnelle de l'énergie dégagée par l'incinération des déchets consiste à satisfaire les besoins thermiques existant à proximité. La production d'électricité ne doit intervenir qu'en complément de ces besoins thermiques et le tarif d'achat doit contenir une incitation forte en ce sens. A cet égard, le principe d'une prime à l'efficacité énergétique est tout à fait adapté, mais son niveau de 3 Euro/MWh prévu par le projet d'arrêté est insuffisant. Les externalités négatives produites par l'utilisation de combustibles fossiles pour des besoins thermiques sont, en effet, bien supérieures à 3 Euro/MWh, et ce quel que soit le combustible fossile utilisé. Le montant maximal de la prime à l'efficacité énergétique devrait être porté à un niveau plus en rapport avec ces importantes externalités négatives (au moins 10 Euro/MWh), la rémunération de base de l'énergie étant diminuée en conséquence pour garder un montant, prime comprise, inchangé.
2.4. Le tarif pour installations existantes devrait, à niveau moyen inchangé, inclure lui aussi une prime à l'efficacité énergétique.
3. Comparaison du tarif d'achat avec les coûts de production de l'électricité par les usines d'incinération et analyse des modalités techniques
A la lumière des informations qu'elle a recueillies auprès des acteurs concernés, la CRE a constaté que l'application du tarif proposé à des projets représentatifs conduit à des rentabilités annuelles des fonds propres après impôts de l'ordre de 10 à 15 % pour un raccordement en HTA.
Les conditions d'achat anciennes ont déjà permis le développement significatif et maîtrisé de la production d'électricité à partir de l'incinération des déchets ménagers et assimilés. Reconduire en moyenne ce tarif tout en favorisant la valorisation thermique paraît judicieux, même s'il serait préférable de ne pas augmenter le niveau moyen du tarif.
La formule d'actualisation retenue contient une part fixe de seulement 20 %, qui est probablement justifiée s'agissant de l'indexation s'appliquant au tarif initial pour les nouveaux projets, mais devrait être beaucoup plus élevée pour ce qui concerne l'évolution de la rémunération pendant le contrat de quinze ans, la part des coûts fixes d'une centrale UIOM en fonctionnement étant d'environ 60 %.
Par ailleurs, la différence de tarif entre installations raccordées en HTA et en HTB semble se rapporter à d'éventuelles économies de réseau supplémentaires permises par les installations raccordées en HTA. Or, l'existence de telles économies est loin d'être avérée et, en outre, le décret du 10 mai 2001 prévoit que seuls les coûts évités de production sont pris en compte pour établir le tarif d'achat.
Les conditions contractuelles de l'accès au réseau des producteurs bénéficiant de l'obligation d'achat ne sont pas évoquées dans le projet d'arrêté. Il serait pourtant logique de prévoir que tout éventuel timbre d'injection que devrait supporter le producteur lui sera intégralement compensé par l'acheteur, qui seul peut le répercuter sur ses clients.
Enfin, l'article 5 du projet d'arrêté définit la notion de puissance garantie en été, qui n'est ensuite pas utilisée dans les modalités tarifaires. Il convient de supprimer cette référence inutile.
4. Conséquences du tarif proposé
Le Gouvernement a annoncé un objectif de 400 MW en 2010 qui se traduirait pour la métropole, compte tenu du tarif proposé, par un surcoût annuel d'environ 40 millions d'euros si la référence est le cycle combiné au gaz, 50 millions d'euros si c'est le nucléaire.
Si 40 MW étaient construits en Corse et dans les DOM, l'économie annuelle sur le coût de la péréquation tarifaire dans ces zones pourrait être de l'ordre de 10 millions d'euros.5. Avis de la CRE
5.1. La CRE constate que le tarif proposé pour la métropole continentale est couvert par la somme des coûts et des externalités si la référence est le cycle combiné au gaz, mais qu'il en demeure assez éloigné si la référence est le nucléaire.
5.2. Ces résultats ne sont valables que si la production d'électricité à partir de l'énergie issue de l'incinération des déchets ne se substitue pas à une valorisation thermique possible. Dans le cas contraire, cette production d'électricité n'a aucun intérêt environnemental et n'a donc pas de légitimité à bénéficier du régime favorable des obligations d'achat. La CRE recommande donc que la prime à l'efficacité énergétique soit portée à au moins 10 Euro/MWh, et soit également incluse dans le tarif pour les installations existantes, à niveau moyen de tarif inchangé.
5.3. Le tarif proposé pour la Corse et les DOM est nettement inférieur aux coûts et externalités évités localement.
5.4. En conclusion, la CRE émet un avis favorable sur le projet d'arrêté fixant les conditions d'achat de l'électricité des installations qui valorisent des déchets ménagers ou assimilés, sous réserve de la prise en compte des modifications concernant la prime à l'efficacité énergétique ainsi que de celles mentionnées au paragraphe 3 du présent avis.
Fait à Paris, le 5 juin 2001.Le président,
J. Syrota